J’ai à peine eu le temps de faire mes bagages après ma sortie dans le Sud avec l’ami François, que me voilà déjà reparti en compagnie des jeunes cavistes de « La Vinoterie » pour faire une série de visites dans le vignoble de Jurançon et dans le vignoble d’Irouléguy.
Deux journées intenses où nous irons vadrouiller entre Béarn et Pays Basque pour rencontrer Maxime Salharang au Clos Larrouyat à Gan, Jean-Baptiste Semmartin au domaine Lajibe à Lucq-de-Béarn, Anne-Marie Barrère au domaine Barrère à Lahourcade, Bixente Indart au domaine Goienetxea à Saint-Etienne-de-Baïgorry, Paul Carricaburu au domaine Espila à Ascarat, Michel Riousperous au domaine Arretxea et Peio Espil au domaine Ilarria, tous deux basés à Irouléguy
Hoppla, c’est parti !
Visite au domaine Goeinetxea à Saint-Etienne-de-Baïgorry
Le Pays Basque sous le soleil de février 2024
Après une superbe soirée au restaurant « Chez Mattin » à Ciboure et une bonne nuit de sommeil du côté d’Arcangues, nous repartons en direction du Pays Basque pour une série de visites dans le vignoble d’Irouléguy avec une première halte matinale chez Bixente Indart, un jeune vigneron installé à Saint-Etienne-de-Baïgorry.
« Aurerra ! »
Crée par Pantxo Indart, le père de Bixente, le domaine Goienetxea, exploite actuellement d’un patrimoine viticole de 5,3 hectares : 4 hectares de tannats et de cabernets plantés en terrasses sur le lieu-dit « Xingoleï » et de 1,3 hectares de gros et petits mansengs plantés sur le lieu-dit « Malda ».
Les terrasses de Xingoleï
Les premières vignes ont été plantées en 1987 par Pantxo Indart et les raisins ont été vendus à la cave coopérative et à des vignerons locaux jusqu’à l’arrivée au domaine de Bixente qui a décidé de produire ses propres vins.
Après un beau parcours de formation qui l’a fait passer par Madiran, la Corse et Irouléguy (au domaine Arretxea que nous visiterons également), Bixente Indart a rejoint le domaine familial pour s’installer comme vigneron.
Notre visite commence par un petit tour dans les vignes dans un 4X4 piloté par Bixente. Le chemin est étroit, pentu et caillouteux…et c’est après qu’on se soit bien fait secouer que nous arrivons en haut des terrasses de Xingoleï pour parler un peu viticulture et terroir avec notre guide du jour
Petite leçon de terroir avec Bixente Indart.
Les 2 hectares de tannats et les 2 hectares de cabernets francs sont plantés en terrasses à faible densité (2000 pieds/hectare) sur un coteau gréseux exposé sud à sud-ouest à une altitude maximale de 350 mètres.
« Lorsqu’il pleut, le grès colore l’eau qui ruisselle du coteau vers le village et c’est ce qui a donné le nom au village : ibaï gori en basque signifie rivière rouge ».
C’est un terroir frais et tardif « en général les vendanges se déroulent entre fin septembre et mi-octobre ».
Au niveau viticulture, ces vignes d’une quarantaine d’années sont travaillées en BIO depuis l’année 2000 : « les sols sont travaillés superficiellement en mars et par la suite l’entretien des parcelles se fait au rotofil ».
Les tannats sont taillés en guyot simple ou double et les cabernets francs sont taillés en courson.
Les parcelles de rouges du domaine
Un pied de tannat du domaine.
Pour atteindre la parcelle de blancs du domaine, nous repartons pour un petit parcours de trial en 4X4…et une nouvelle séquence de « shaker » !
La parcelle de blancs plantée à parts égales de gros et petits mansengs est située sur un coteau dont le sol est composé d’argiles sur ophite, une roche volcanique très dense.
La parcelle de blancs du domaine…
…et un caillou d’ophite ramassée dans la vigne.
Notre visite se poursuit dans les installations professionnelles flambant neuves aménagées dans les dépendances de la maison familiale où nous parlons vinifications et élevages avant de déguster quelques vins
Le cuvage du domaine avec des cuves béton…
…et des cuves inox qui contiennent les vins de 2022 en attente de mise en bouteilles.
Les superbes murs en pierre du bâtiment ont été conservés.
Les tannats et les cabernets francs sont vinifiés à part en cuve puis sont assemblés pour un élevage mixte en cuve béton, en foudre ou en fût.
Les gros et petits mansengs sont récoltés et vinifiés ensemble. Les fermentations démarrent en cuve « pour assurer un contrôle précis des températures » avant d’être entonnées dans des fûts pour la fin des fermentations et l’élevage sur lies.
Le chai du domaine avec des petits foudres signés « Stockinger »…
…des fûts de chêne et des jarres.
Bixente Indart, élabore ses vins avec un minimum de sulfites « sur les vins de 2021, les analyses révélaient 25 mg de SO2 total…mais si possible je vais essayer de diminuer encore un peu les doses pour les millésimes suivants ».
Avec des rendements très faibles (20 hl/ha), Bixente Indart n’a pas de vin à vendre à l’heure actuelle…mais on va quand même goûter !
Dégustation de vins sur fûts et de vins en bouteille avec Bixente Indart.
Irouléguy Malda 2023 (sur fut de 600 l) : nez discret mais très complexe, bouche puissante avec un jus ample et consistant, étiré par une acidité assez pointue, finale tonique et salivante
Irouléguy Malda 2023 (sur foudre Stockinger) : nez marqué par une petite réduction, bouche dense et charnue, finale tendue avec une belle longueur minérale
Issue d’un assemblage de 60% de gros mansengs et de 40% de petits mansengs – « des proportions qui varient en fonction du millésime » – la cuvée Malda encore en cours d’élevage semble très prometteuse : il y a de la densité, de la tension et une présence minérale qui commence à se faire sentir…bref, les éléments pour faire une très belle cuvée de blanc sont là. Y a plus qu’à… !
Irouléguy Malda 2022 : nez expressif et complexe avec des notes florales et miellées sur un fond de fruits exotiques frais, bouche généreuse avec un jus consistant qui enrobe une acidité mûre et longue, finale sapide soutenue par de beaux amers minéraux.
Irouléguy Malda 2021 : nez charmeur sur l’ananas frais, le miel et les herbes de montagne, bouche puissante et solidement tendue par une acidité très droite et une salinité sensible, finale fraîche avec un long sillage exotique et minéral.
Avec leurs aromatiques très séduisantes et leurs matières bien gourmandes mais d’une fraîcheur réjouissante, ces deux cuvées d’Irouléguy blancs sont de très belles réussites…mais pour l’heure il n’y a plus de 2021 et les 2022 ne sont pas encore en vente. Dommage !
Irouléguy Xingoleï 2023 (sur pièce bourguignonne) : fruité expressif et charmeur au nez, bouche dense et bien gourmande avec des tanins veloutés, finale sapide avec une belle longueur acidulée.
Irouléguy Xingoleï 2022 : nez flatteur avec une palette bien mûre sur les fruits rouges confits et la menthe fraîche, bouche douce et charnue structurée par une acidité mûre et des tanins fins et soyeux, finale fraîche, longue et salivante.
Irouléguy Xingoleï 2021 : petite réduction à l’ouverture puis développement d’une belle palette florale et balsamique, bouche élancée avec un équilibre très droit, finale très tonique avec un retour floral et végétal sur un fond légèrement poivré.
Réalisées à partir d’un assemblage de cépages de caractère (70% tannat et 30% cabernet franc), ces cuvées se distinguent malgré tout par leurs grandes finesses aromatiques et structurelles même si leurs présences en bouche portent bien la signature de leurs millésimes…un 2023 est généreux et digeste, un 2022 élégant et gourmand et un 2021 droit et minéral…il y en a pour tous les goûts !
Irouléguy GB 2021 : fruité profond au nez, bouche légère et très gourmande soutenue par une acidité bien large mais très mûre, structure déliée et finale très gouleyante.
Cette cuvée qui, je crois, est réalisée avec 100% de cabernets se goûte déjà très bien en ce moment même si je suis certain qu’on pourra la retrouver en très grande forme après quelques années de garde…patience !
Irouléguy GB 2023 (sur foudre Stockinger) : expression aromatique très ouverte, bouche généreuse avec un fruité croquant mais des tanins assez fermes.
Nous terminons ce tours d’horizon de la production de Bixente Indart par la dégustation sur foudre de la version 2023 de « GB », une cuvée encore un peu « sauvage » mais avec des éléments constitutifs qui laissent entrevoir de belles perspectives d’avenir.
« GB » 2023…prometteur !
Cette première étape dans le vignoble du Pays Basque nous a permis de faire la connaissance d’un jeune vigneron ambitieux et talentueux, qui n’a pas compté son temps pour partager avec nous sa passion pour son métier et pour les beaux terroirs viticoles qu’il a la chance d’exploiter aujourd’hui.
Sur ces pentes escarpées et ces terrasses platées de vignes à faible densité, Bixente Indart met en œuvre des pratiques respectueuses de l’environnement pour récolter des raisins à parfaite maturité qu’il va valoriser par un travail en cave précis et qualitatif.
Sa cuvée « Malda » est superbe : ciselée avec une grande précision elle exprime une personnalité « montagnarde » affirmée tout en gardant un profil élégant et distingué.
C’est un vin blanc de gastronomie, capable de supporter une garde conséquente…mais pour l’heure sa production reste assez confidentielle.
D’ailleurs, face à une demande qui ne cesse de croître, ce jeune vigneron projette de restructurer son patrimoine viticole « je ne vais pas agrandir la superficie totale de mes vignes mais je vais progressivement replanter des pieds de blancs à la place des rouges pour arriver à une proportion de 50-50 »
Ses cuvées de rouge sont de solides gaillards, bien construits et assez fougueux mais finalement très séduisants grâce notamment à des expressions fruitées bien gourmandes…que je ne m’attendais pas à trouver sur des assemblages tannat-cabernet franc. Belle surprise !
Merci à Bixente d’avoir pris le temps de partager avec nous ces beaux moments de culture vinique…et bon vent pour la suite !
NB : si vous habitez près de Strasbourg vous pouvez trouver quelques références du domaine Goienetxea à « La Vinoterie » de La Wantzenau.
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