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Périple sudiste 2018 - Visite au domaine Julien Peyras à Paulhan
Après un début de printemps dédié au vignoble alsacien, mon programme d’échappées œnophiles se poursuit par le traditionnel périple sudiste qui va me faire voyager entre Languedoc et Vallée du Rhône pour rendre visite à quelques vignerons bien connus mais aussi pour découvrir de nouvelles adresses…histoire d’allonger encore un peu la liste de mes étapes viniques incontournables dans cette belle région.
Pour une fois, mon voyage aller vers Port Camargue sera direct – je ne vais quand même pas déranger des vignerons le dimanche ! – et mon programme vinique débutera le lundi par une visite dans les Costières de Nîmes au Château Mourgues du Grès.
La seconde journée sera languedocienne avec un déjeuner chez Olivier Bontemps à Béziers – un endroit idéal pour commencer une belle journée gourmande – et un après-midi qui me permettra de faire la connaissance de Julien Peyras, un vigneron de Paulhan qui produit des vins « zéro intrants » pour terminer, par une nouvelle rencontre avec les Supply-Royer à Arboras…étape évidemment indispensable !
Après une petite journée de transition pour récupérer un peu et rejoindre l’ami Cyril à Vallon Pont d’Arc, le dernier jour de mon périple me fera voyager une fois de plus autour des Dentelles de Montmirail en compagnie de mon guide préféré qui a prévu de visiter 5 domaines : Marcel Richaud, Elodie Balme, La Monardière, La Ferme Saint Martin et La Roche Buissière.
Hoppla, c’est parti !
Domaine Julien Peyras à Paulhan
Ma journée languedocienne ayant commencé de la plus belle façon qui soit au restaurant « Ô Petits Bontemps » à Béziers, il fallait que ma première visite dans le vignoble soit à la hauteur…déception interdite !!!
J’ai donc choisi d’aller du côté de Paulhan pour rencontrer Julien Peyras, un jeune vigneron dont on parle de plus en plus dans les milieux œnophiles…et en particulier chez les amateurs de vins « nature ».
N’étant pas un inconditionnel du style, je sais que je prends un petit « risque » en allant voir un ardent défenseur de la conception des vins sans intrants mais je suis toujours prêt à me laisser un peu bousculer dans mes convictions…et j’ai bien l’impression que cette visite va être une belle expérience !
Pour trouver ce vigneron, mieux vaut pouvoir compter sur un GPS performant (merci google maps !) car la plaque qui annonce le domaine n’est pas visible de la route…mais pour une fois, je n’ai pas eu de difficulté pour arriver à bon port à l’heure convenue et presque en même temps que Julien Peyras.
Comme le temps est au beau fixe, nous commençons la visite par une longue promenade dans le vignoble pour aller voir les différentes parcelles du domaine et parler in-situ de la façon de travailler de ce vigneron.
Julien Peyras a commencé à faire du vin en 2007 – « c’était ma passion depuis toujours » – sur des parcelles familiales : « mon grand-père était vigneron et mon père qui avait choisi de travailler dans le domaine de la mécanique a continué à s’occuper ses vignes pendant son temps libre ».
Durant près de 10 ans, Julien Peyras a exercé une activité professionnelle dans la fonction territoriale tout en utilisant ses loisirs pour cultiver ses vignes et élaborer ses vins mais depuis 2018 il est enfin « vigneron à 100% »
A l’heure actuelle le domaine exploite une superficie de 10 hectares de vignes sur le ban viticole d’Aspiran : « ce sont des parcelles qui appartenaient à ma famille et quelques vignes « coup de cœur » que j’ai pu acquérir au cours de ces 10 années d’activité ».
Les pratiques viticoles de Julien Peyras sont sans concession et marquées par un souci permanent de respecter la nature et l’environnement : il y a de l’herbe et des légumineuses dans les rangs des vignes et les parcelles sont toutes entourées de haies et de bosquets.
Les sols sont travaillés en douceur (griffage léger et rolofaca) et les vignes sont traitées avec des préparations biologiques ou bio-dynamique.
« Il faut des sols vivants et de la biodiversité pour faire un vin de terroir ».
Une parcelle de grenaches aux rangs végétalisés par des semis de pois, de vesse et de blé qui vont être couchés dans quelques jours par un passage au Rollofaca.
Une parcelle de vieux carignans (80 à 90 ans) sur un terroir basaltique.
La parcelle « coup de cœur » de chardonnays exposée au sud et également plantée sur un sol basaltique.
Cette couverture végétale très luxuriante a une double fonction : l’alimentation naturelle des sols en azote et leur protection contre les excès de chaleur « contrôler la maturité des raisins est le problème principal qui se pose aux vignerons dans cette région ».
Une parcelle de clairette sur calcaire
Une autre parcelle de clairette avec un sol argilo-calcaire…et une vue imprenable sur la montagne cévenole.
Petit panorama sur Aspiran et sa région.
Une parcelle de grenaches blancs dans le même secteur…
…avec des ceps taillés en « chandelier »
L'un des composts placé entre les parcelles de vigne pour produire des engrais naturels.
Une parcelle de cinsaults sur un sol argileux…
…d’où on profite d’une vue imprenable sur le paysage languedocien…ça sent la « Gourmandise » !
Une parcelle de grenaches…
…sur un sol riche en galets roulés et en quartz.
Une première parcelle de syrah…
…et une seconde, plus jeune…
…avec un perdreau surpris en pleine promenade…« Ils viennent chez moi parce qu’il y a à manger dans le sol ».
Une jeune parcelle de roussanne
Une parcelle de clairette en terrasses...
...et Julien Peyras qui vérifie la qualité de son sol…
…rien de tel qu’un coup de nez pour sentir la vie !
Sur ces beaux terroirs languedociens, Julien Peyras estime que le rendement optimal se situe autour de 20 à 25 hl/ha…mais lors de certaines années difficiles on est bien en dessous « comme en 2016 où nous avons fait une moyenne de 11 hl/ha sur le domaine ».
Un « vénérable » pied de clairette.
Après cette belle escapade dans le vignoble d’Aspiran nous revenons à Paulhan où se trouve la cave du domaine : c’est une grange aménagée pour accueillir les cuves de vinification et d’élevage, les quelques fûts en chêne et les palettes du stockage bouteilles.
« En 2007 je disposais de 2 petites cuves en fibre de verre et de 4 barriques » depuis les cuves en inox ont fait leur apparition pour permettre un suivi plus précis des jus.
Le cuvage du domaine.
En cave, Julien Peyras met en œuvre une politique « zéro intrants » malgré les risques y sont liés : d’ailleurs il reconnaît volontiers avoir « flingué quelques vins au cours des dernières années » mais ce n’est pas pour autant qu’il va renier ses convictions : « Ma fierté c’est que tous les vins qui sortent de ma cave sont vinifiés et élevés avec aucun intrant ».
La gamme de cuvées du domaine compte 6 références : un blanc, un rosé et 4 rouges…mais à l’heure actuelle il n’y a qu’un seul vin disponible à la vente.
Allez, on va quand même déguster quelques cuvées signées Julien Peyras !
La cuvée de blanc 2017 est encore en cours d’élevage en cuve.
C’est un vin réalisé à partir d’un assemblage des jus de macération des 3 cépages cultivés au domaine : roussanne et grenache blanc (macérés 8 jours) et clairette (macérées 4 jours).
Le nez est très complexe et marqué par une minéralité particulièrement intense. En bouche les arômes s’épanouissent et les papilles sont caressées par une matière assez dense avec une texture soyeuse équilibrée par une présence saline qui gagne encore en force. La finale est sapide avec un petit grip tannique très stimulant.
Même si ce type de vinification très particulier a donné à ce vin un caractère un peu atypique pour la région, je suis convaincu que personne ne pourra rester indifférent face à la qualité de son jus riche, profond et tramé par une présence minérale exceptionnelle. MIAM !
Vin de France Rose Bohême 2017
La robe surprend par sa couleur profonde et son léger trouble. Le nez plutôt discret révèle tour à tour quelques nuances levuriennes et amyliques avant de développer une palette forale très élégante. En bouche, le jus est très gourmand mais plutôt consistant et la finale très appétante et délicatement acidulée laisse persister de belles sensations minérales.
(60% mourvèdre sur terroir argileux + 40% grenache sur terroir basaltique).
Avec sa robe bien colorée, ce rosé à la fois gourmand et vineux nous transporte également assez loin des codes esthétiques propres à ce style de vin…mais après avoir goûté récemment une série de rosés méridionaux assez quelconques au club AOC, je me dis que cet écart par rapport aux normes généralement admises est une bénédiction pour tout amateur exigeant.
Vin de France Gourmandise 2017
La robe est assez claire et le nez « explose » d’arômes de petits fruits rouges croquants et de fleurs des prés. La bouche est juteuse et profondément fruitée avec une chair consistante mais très douce. La finale déliée et bien glissante est rafraîchie par une délicate présence acidulée.
(100% cinsault sur terroir argilo-calcaire).
Réalisé à partir d’une vendange égrappée laissée à macérer « jusqu’à la fin des sucres » ce premier vin rouge est pur ravissement pour les papilles…la bouteille se vide en un clin d’œil en laissant une furieuse envie de revenez-y.
Jamais une cuvée n’aura aussi bien porté son nom. MIAM !!!
Vin de France Lo Tarral 2016
Le nez très intense révèle des notes de fruits noirs (cassis, myrtille) et de fleurs (mauve, violette). La bouche montre un caractère suave et charmeur en déployant une matière longiligne très élégante. La finale équilibrée et sapide laisse deviner une belle présence minérale.
(45% carignan sur terroir volcanique + 45% syrah + 10% grenache sur terrasses villafranchiennes).
Ce très beau vin bien typé « Languedoc » a été réalisé à partir d’un assemblage de trois cépages vinifiés séparément comme le cinsault de « Gourmandise ».
Encore un peu jeune pour révéler la pleine mesure de son potentiel, cette cuvée riche et complexe se goûte déjà avec grand plaisir à l’heure actuelle. RE-MIAM
Julien Peyras est un vigneron de conviction qui met en œuvre des pratiques viticoles très vertueuses avec une intransigeance qui force l’admiration.
Il conduit ses vignes dans le souci permanent de préserver la vie dans les sols et la biodiversité dans leur environnement proche.
Il recherche l’expression authentique de ses terroirs languedociens en considérant chaque parcelle de vigne comme un élément d’un écosystème complexe qu’il faut comprendre et préserver.
Sa démarche « naturelle » se prolonge dans sa cave, où il a choisi d’élaborer ses vins en refusant toute intervention chimique…illustrant par là même, la grande cohérence d’une démarche globale respectueuse de la nature. Bravo !
Ses vins sont à son image : sincères et sans concession...tout en restant faciles d’accès comme ce rosé sapide et juteux ou ces deux cuvées de rouge vraiment exceptionnelles d’équilibre et de gourmandise.
Pour ce qui est de la nouvelle version de la cuvée de blanc du domaine, j’avoue être tombé immédiatement sous son charme…et j’espère bien pouvoir en encaver quelques flacons lorsqu’il sera disponible à la vente.
Ceux qui me connaissent un peu savent que je ne suis pas un chantre du vin « nature » mais lorsque je rencontre un vigneron comme Julien Peyras et que je découvre des vins comme ceux qu’il arrive à produire sur ces beaux terroirs languedociens, je suis presque prêt à entreprendre une conversion…
Mille mercis à Julien Peyras pour cette belle après-midi dans les terres du sud.
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