Périple jurassien 2019 - Visite au domaine Overnoy-Houillon à Pupillin

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Le vignoble vu des hauteurs de Pupillin

Reportée pour cause de mauvaise météo l’été dernier, cette sortie « grimpe et picole » en Franche Comté a enfin pu se réaliser cette année…et voilà notre petit groupe de cinq amateurs de vins et de sensations fortes parti pour deux journées dans le Doubs et le Jura pour tâter le rocher du côté de Nans-sous-Sainte Anne et rencontrer quelques vignerons à Arbois et à Pupillin.

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Notre groupe en pleine séance contemplative toujours sur les hauteurs de Pupillin

Après l’effort matinal du premier jour nous allons effectuer notre récupération active dans la cave du domaine Ratte à Arbois et dans la cave du domaine de La Borde à Pupillin.
Le lendemain, la persévérance de notre amie Valérie nous a permis d’obtenir un rendez-vous avec Pierre Overnoy…une rencontre exceptionnelle avec un vigneron mythique du Jura.
Hoppla, c’est parti !

 

Domaine Overnoy-Houillon à Pupillin
Rencontre avec Pierre Overnoy

 
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C’est bien là !

Grâce à la persévérance de notre amie Valérie nous avons pu obtenir un rendez-vous avec un vigneron qui produit les vins parmi les plus rares et les plus recherchés du vignoble jurassien.
Après une nuit fort agréable dans un très joli gîte à Arbois – La Maison des Orfèvres…encore une bonne adresse à retenir dans le coin – nous reprenons la petite route qui monte à Pupillin pour aller goûter les paroles et les vins de maître Pierre.

Il est 11 heures pétantes quand nous toquons à la porte de cette maison située au cœur de ce petit village jurassien et c’est Pierre Overnoy qui nous accueille en nous demandant de le suivre dans la salle à manger attenante à sa cuisine.
C’est parti pour une séance de dégustation mémorable avec un vigneron rare qui va nous faire partager sa vision du vin.

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Pierre Overnoy et son auditoire du jour.

Le « vieux » sage de Pupillin répond avec beaucoup de franchise et d’humilité aux questions des « jeunes » vignerons d’Eguisheim…les échanges sont passionnants et je suis ravi de pouvoir y assister.

Morceaux choisis :

« Il n’y a pas vraiment d’école Pierre Overnoy, rappelez-vous que je ne suis qu’un vigneron, le vrai scientifique c’était Jules Chauvet »
« Ma seule école c’est le doute »

« Pour faire de grands vins, il faut trouver les bons cépages et les planter dans les bonnes terres »

« Nos vignes n’ont jamais été désherbées chimiquement ce qui fait qu’on y trouve beaucoup de levures en bonne santé »
« Il est fondamental que ces levures soient assez performantes pour qu’elles puissent commencer leur travail avant les bactéries »

Depuis 1985, les vins du domaine Overnoy se font sans ajout de SO2 : « Avec des sols en bonne santé et des cépages bien adaptés à chaque terroir on récolte des jus avec un PH très faible (…) ce sont des conditions nécessaires pour élaborer des vins sans sulfites »

Pour commencer notre dégustation, Pierre Overnoy se rend dans sa cave pour prélever un premier échantillon : c’est un vin rouge issu d’un assemblage de trousseau et de ploussard, une cuvée crée en 2018 qui évoque la mémoire du grand-père de Pierre « j’ai un grand souvenir de ce vin vinifié par mon grand-père ».

Assemblage Trousseau/Ploussard 2018 : nez intense et complexe, notes de fruits rouges frais et de fumé, arômes floraux très fins qui se définissent après aération, attaque vivre et franche, chair dense et légèrement granuleuse, équilibre très vif avec une présence acide/saline intense qui donne un caractère minéral et sapide à la finale.
Ce vin qui impressionne par la densité de son jus et la puissance de sa structure acide, nous donne une image assez précise du style sans concession recherché par ces vignerons : malgré une aromatique très engageante ce vin est taillé pour une très longue garde.

Pour continuer, Pierre Overnoy nous propose une cuvée 100% poulsard, un cépage pour lequel il avoue avoir une tendresse particulière et qu’il continue d’appeler par son nom ancestral : « le ploussard, qui tient son nom d’une prunelle sauvage appelée plosse »…plosse, plossard et ploussard avant de passer à poulsard, un terme jugé plus « élégant et plus commercial ».
Pour ce vigneron, le ploussard et le trousseau sont les cépages emblématiques de sa région « mais en dessous d’une ligne Pupillin-Arbois-Montigny les Arsures les sols sont trop légers pour ces cépages ».

Ploussard 2018 : nez franc et intense sur le cerise burlat, matière ample et assez massive en bouche, équilibrée par une présence minérale pleine d’énergie, finale éclatante avec de la tension, de la longueur et du fruit.
Ce vin qui séjourne actuellement sur lies totales en cuve inox, nous livre une interprétation particulièrement aboutie de ce cépage jurassien : un fruité pur, un jus bien consistant et une ossature acide/minérale très solide. Grande bouteille en perspective !

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Le ploussard 2018 du domaine Overnoy

Notre dégustation se poursuit et on passe aux blancs :

Chardonnay-2015 : nez complexe, notes de fruits jaunes frais sur un fond citronnée et légèrement lacté, attaque assez violente avec une acidité percutante qui se pose en largeur, matière étirée mais consistante avec une présence minérale qui titille les papilles, finale très tonique avec une salinité qui provoque une salivation intense.
Vinifié et élevé en foudres et en pièces ce chardonnay termine sa phase d’affinage en masse dans un œuf béton.
Avec son jus dense et charnu et son acidité minérale qui électrise littéralement nos papilles ce vin est taillé pour passer les prochaines décennies.

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Le chardonnay 2015 du domaine Overnoy-Houillon

Arbois Pupillin Chardonnay 1990 : nez frais et complexe, notes de pain grillé, de quinquina et d’épices, attaque assez douce en bouche puis l’ensemble monte en puissance pour développer une matière charnue et grenue tenue par une présence minérale très impressive, finale tendue avec un sillage fruité/épicé d’une longueur majuscule.
Cette bouteille – ouverte depuis une semaine selon les dires de Pierre Overnoy – a vraiment fait sensation autour de la table.
Né sur « le meilleur terroir à blanc de Pupillin » ce chardonnay de près de 30 ans révèle une vivacité et une complexité tout à fait incroyables.
C’est un vin qui vient probablement d’entrer dans sa phase de plénitude mais bien malin qui pourra dire à quel moment il va décliner. Je suis sur le c… !

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Même si Pierre Overnoy nous avoue sa dilection pour le savagnin « un cépage fabuleux qui garde son acidité même si la richesse en sucre augmente », nous n’aurons pas la chance de goûter une cuvée réalisée avec ce cépage.
Notre rencontre se termine donc sur cette impression d’éternité laissée par ce magnifique chardonnay 1990…ce n’est quand même pas mal !


Cette rencontre avec Pierre Overnoy m’a permis de passer une fin de matinée mémorable face à ce pionnier historique du vin « naturel » – bien qu’il ne revendique pas forcément cette terminologie – dont l’exemple et les convictions ont inspiré de nombreux vignerons à l’origine de la renaissance actuelle du vignoble jurassien.
C’est un homme qui impressionne tant par l’étendue de ses connaissances sur le vin que par sa modestie et son sens du partage.

Pour Pierre Overnoy, faire du vin sans chimie n’est pas une affaire de « rigolos ou de fantaisistes » : c’est un mode d’élaboration du vin « qui s’appuie sur des bases scientifiques solides et qui exige une grande précision dans le travail à la vigne comme en cave ».

La dégustation du jour nous a permis de découvrir des cuvées en cours d’élevage qui ont révélé des matières bien consistantes, des acidités virulentes et des présences minérales d’une force peu commune.
En dépit des impressions laissées par des expressions aromatiques déjà bien avenantes, les vins du domaine Overnoy sont faits avant tout pour défier le temps : je pense qu’il leur faudra probablement plusieurs décennies pour donner leur pleine mesure.
A ce propos, j’ai retrouvé grâce à Stéphane, des notes peu élogieuses prises sur un chardonnay 2000, dégusté en 2010 lors d’une session AOC…et comme nous l’a montré le sublime chardonnay 1990 servi aujourd’hui, nous avions débouché cette bouteille 20 ans trop tôt !

Mille mercis à Pierre Overnoy pour ces moments d’émotions partagées…des instants rares que je ne suis pas prêt d’oublier !

 
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Dernière vue sur le vignoble de Pupillin avant de repartir vers l’Alsace

 

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